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        jour 44 du confinement

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  • 30 avril 2020
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Plusieurs appels reçus, suite à des difficultés de relations qui s’enveniment, m’invitent à parler du pardon :
« Si ton frère vient à pécher, reprends-le et s’il regrette, pardonne-lui. Et si, sept fois par jour, il pèche contre toi et que sept fois il revienne vers toi, en disant : “Je regrette,” pardonne-lui. » Lc 17, 3-4.

Inutile de tenir des comptes ; sept fois par jour, ça veut dire toujours. Pardonner toujours et tout pardonner, même ce qui paraît le plus impardonnable. La première réaction, instinctive, c’est de dire : je ne peux pas ! Bien sûr, je veux bien pardonner toutes les petites babioles qui agressent mes journées, si ce n’est pas trop grave et si cela ne prête pas trop à conséquence ; j’ai quand même un vieux fond de bonté ! Mais pardonner toujours à celui ou à celle qui recommence sans cesse, à celui qui est pris dans le cycle terrible de la boisson ou de la drogue, ça n’est pas raisonnable et certainement pas bon. Et comment pardonner la trahison dans l’amitié, l’infidélité dans le couple, l’abandon des siens ? Comment pardonner l’inconscience, l’indifférence de ceux qui refusent de voir ? Comment pardonner le pire : le viol, l’inceste, les crimes contre l’humanité, la violence sauvage et gratuite ?

Pourtant l’enjeu est bien celui-ci : il t’est proposé de choisir délibérément de tout pardonner et de toujours pardonner, d’emblée, sans conditions, par avance, comme une décision première que tu ne remettras pas en cause. Seule cette prise de position peut permettre de vivre libre et de renouer avec tous par delà l’intolérable.
A cela, trois raisons qui s’appellent l’une l’autre :
La première est presque intéressée ! Le refus de pardonner, avec son cortège de rancune et de haine, est comme un poison au dedans de toi. Il entretient une aigreur, une amertume qui gâche la vie. C’est comme un piège qui se referme sur toi. Alors tu secrètes un fiel qui t’arrache à la paix et à la sérénité ; tu t’aigris, incapable d’étonnement et d’émerveillement. Finalement refuser de pardonner, c’est d’abord se faire du mal à soi, en voulant en faire à l’autre ! Alors pour être libéré de ce poids à traîner, pour vivre à nouveau libre, le pardon est essentiel. En effet, le pardon est fruit de la liberté ; il ne peut être donné que par un être libre. Se venger, c’est une démarche d’imitation. Quand je me venge, c’est l’autre qui est mon maître ; je ne fais qu’imiter ce qu’il a fait. Il m’a fait mal ; il m’a trahi ; il m’a agressé ; il a trompé ma confiance. Je vais à mon tour lui rendre ce mal ; je vais l’agresser, le blesser et je croirai alors que nous sommes quitte. Mais finalement c’est l’autre qui m’a dicté ma conduite ; je me suis laissé entraîné par lui sur un chemin qui n’est pas le mien. Je suis devenu dépendant de lui. Tu es libre, au contraire, si tu choisis un comportement différent, non pas en réplique à l’autre, mais en suivant tes propres convictions, un comportement qui dise : “Je sais que tu n’es pas seulement cet être méchant et agressif que tu as été un moment ; tu es mon frère et je te tends la main pour l’affirmer.”

Une deuxième raison concerne le vivre-ensemble. Seul le pardon arrache à un cycle infernal qui n’a pas d’avenir : nous le voyons bien dans les conflits tragiques qui opposent les peuples. Comment s’arracher à la violence sans pardon, comment reconstruire sans briser le cycle incessant de la vengeance ? Seul le pardon, même s’il est difficile, presqu’impossible parfois, a de l’avenir. Il faudra bien un jour se remettre à vivre ensemble, renouer des liens par delà l’intolérable. Alors pourquoi ne pas commencer maintenant alors que le mal n’a pas encore tout contaminé de son venin ? Tous les conflits que les médias étalent devant nos yeux, souvent avec complaisance, montrent jusqu’à quelle barbarie l’homme peut rapidement régresser. Devant des êtres mutilés dans leur corps à coups de machettes ou pour avoir sauté sur des mines anti-personnelles, devant des vies d’enfants saccagées, comment reconstruire, sans pardon ? Pardonner n’est pas faire semblant que rien ne s’est passé, qu’il s’agissait d’un simple cauchemar, mais c’est affirmer que, malgré les actes qu’il faut condamner, il est possible et nécessaire de réapprendre à vivre ensemble.

La dernière raison est spirituelle : le pardon est l’acte qui fait le plus ressembler à Dieu. Ainsi, comme dit Jésus, « Vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les sans-coeur et les méchants ! » Lc 6,35. Si nous voulons entrer en communion avec Lui, c’est là, au plus profond, qu’il nous faut le rejoindre. Jésus s’est présenté comme le pardon de Dieu, accordé à tous d’emblée. Ne tenant plus compte du passé, il a fait de sa rencontre le point de départ possible d’une aventure toute nouvelle. A tous, il a manifesté qu’ils pouvaient renaître, repartir à zéro. C’est l’essentiel de la Bonne Nouvelle : le temps nouveau qu’ouvre Jésus, c’est le temps du pardon, où tout peut être recréé, renouvelé, et donner du fruit à cent pour un. Pourquoi cette proposition faite à tous d’un nouveau départ ? Parce que Dieu aime gratuitement ; son amour n’est pas accordé à ceux qui l’auraient un tant soit peu mérité ; il est donné à tous sans conditions. Dieu aime sans raison, parce qu’il est Amour. Pour lui exister, c’est aimer ! C’est manifester un amour qui cherche à se répandre et à se communiquer. Cette proposition n’est pas passagère ; elle se renouvelle sans cesse, “sept fois par jour“, pour reprendre le langage de l’évangile ; elle est permanente, parce qu’elle dit au plus intime ce qu’est Dieu. Il est amour, pardon, tendresse. Il ne pourrait pas présenter d’autre visage sans se renier. Celui qui a ressenti en lui la force que donne ce pardon reçu de Dieu, celui qui a éprouvé en lui-même le renouvellement formidable qu’il imprime à la vie, balaye une fois pour toutes les calculs mesquins du donnant-donnant. Il ne mesure plus son pardon ; il le donne largement, comme il l’a reçu de son Père.
Mais pour pouvoir vivre cela, il faut puiser profond, à la racine, en Celui qui s’est donné comme le pardon de Dieu. Il faut demander à Jésus de nous guider sur ce chemin, un chemin qui peut être long, car certaines blessures ont du mal à cicatriser. Mais si tu as un jour pardonné ainsi, librement, sans calculs, pour l’avenir à construire, tu sais quelle bouffée de bonheur t’a alors habité et pour longtemps ! Heureusement, nous ne sommes pas tous, ni toujours, affrontés à des situations tragiques, où le pardon semble presque impossible ; raison de plus pour pardonner avec simplicité ce qui nous atteint quotidiennement et pour renouer les fils distendus ou rompus, chaque fois que nous le pouvons. Comme notre vie serait plus libérée, plus exaltante, si nous savions la délester au jour le jour du poids du ressentiment, de l’amertume et de tout ce qui, inutilement, la rend lourde et pesante !
Et chantons : "Si la faiblesse t’a fait tomber au bord du chemin, (bis)
Tu sauras ouvrir tes bras. Alors, tu pourras danser au rythme du pardon.“

Alain Patin
alain.patin chez libertysurf.fr

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