Chaque matin, je salue le personnel et mes collègues. Pour moi, nous formons une seule équipe, même si nous dépendons de deux administrations. Et croyez-moi, ce n’est pas évident pour tous !
8h00, le téléphone sonne, signe d’incertitude. En général, tout se passe bien. Mais régulièrement, il faut gérer l’urgence : un remplacement, une fuite, une panne, des dégradations, la colère d’un parent... Pas un matin ne se ressemble.
8h20 : j’accueille les élèves. Depuis deux ans, tout est bouleversé. Masque, test, désinfection : des gestes pas faciles à faire respecter sans le soutien des parents.
Mon quotidien est complexe à appréhender. 80 % de mon travail est de l’imprévu. Combien de fois ai-je listé les tâches à effectuer pour les retrouver le soir inachevées, pris dans le tourbillon des aléas de la journée ? Infirmier, plombier, électricien : tant de casquettes ne rendent pas toujours le travail épanouissant. Pourtant je tiens. Parce que les relations humaines en valent le coup, que le travail avec les partenaires de l’école m’enrichit.
C’est dur d’apprendre le décès d’un parent ou un placement d’enfant. Mais c’est bon d’être remercié pour l’écoute offerte et l’accompagnement dans ces épreuves. C’est dur de lire des accusations diffamatoires dans la presse locale. Mais c’est bon d’être soutenu par l’équipe pour rétablir la vérité. C’est dur de manquer de moyens, de reconnaissance. Mais c’est bon, entre directeurs, de se soutenir, se conseiller. J’aimerais trouver un lieu d’écoute au travail. Ah oui, ça existe : un numéro vert… Sans parler de l’absence de médecine du travail.
Heureusement, jusqu’ici, chaque « c’est dur » a trouvé son « c’est bon », rendant acceptable ma fonction. Mais pour encore combien de temps ?
Mes engagements m’offrent un autre regard sur le monde, j’y parle « travail » autrement, j’y jette mes filets, j’y élargis l’espace de ma tente. ACE, JOC, vie du village, CFDT, collectif Solidarité Bosnie-Herzégovine… Autant de lieux de partage, de dialogue, d’action. Sans oublier Virginie, Luc, Camille et toute la famille !
Oui, je crois dur comme fer à ma mission de service public. J’y mets en œuvre mes convictions et les valeurs qui me façonnent :
Je crois à la dignité. Elle m’invite à être à l’écoute de chaque enfant et adulte, sans jugement, pour leur permettre de grandir, de s’émanciper.
Je crois en la solidarité. Elle m’invite à proposer un projet collectif autour de l’école : encourager les familles à s’investir dans la vie de l’école et du quartier, les élèves à se soutenir, à vivre des projets de solidarité.
Je crois au partage, à la paix, à la fraternité...
Et puis je crois en toi, Jésus-Christ, fils de Dieu. Comme sur les chemins d’Emmaüs, compagnon chaque jour, tu m’ouvres les yeux sur la vie. Tu me dis : « Confiance ! ». Tu ne t’es jamais posé comme roi, mais comme serviteur. Tu m’invites à cheminer avec ceux que je croise sur ma route, à me mettre au service de ma mission pour une école accueillante.
Alors, chaque matin, j’ouvre la porte. Même si la veille a été difficile, je crois que des solutions sont toujours possibles. Je refuse la fatalité. Je me nourris des « Bonjour ! » distribués, des traits d’humour partagés, des « Merci ! », « Courage ! », « Bravo ! »,...
Et chaque soir, en fermant la porte, je garde le souvenir des bons moments et j’imagine des lendemains qui chantent !
Olivier Hericher