J’aime bien cette fête, célébrée demain jeudi, cette Ascension annoncée par Jésus, et dont il disait : « Il est bon pour vous que je m’en aille ! » Tous les disciples devaient protester, car Jésus ajoute : « En effet, si ne m’en vais pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. » Alors, oui, c’est vraiment notre fête ; elle épouse réellement notre condition de croyant. Nous croyons en ce Dieu qui s’est rendu absent de nos vies ; il s’est retiré du monde. Dieu, on ne le voit pas, on ne se heurte pas à sa présence. Il est ce Dieu que personne n’a jamais vu, même s’il s’est laissé apercevoir en Jésus de Nazareth quelques courtes années et c’est presque rien au regard de la déjà longue histoire de l’humanité.
Ainsi, curieusement, nous fêtons l’Absent, curieuse fête ! Et pourtant si nous savons la déchiffrer, cette fête ouvre des perspectives très stimulantes :
J’en discerne trois, d’après les textes que nous entendrons.
La première nous fixe une tâche : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». Et ceux qui n’auraient pas compris qu’il s’agit de s’y mettre, et qui restent à « regarder le ciel », sont disqualifiés. Une mission nous attend sur cette terre, au cœur de nos rencontres et dans notre contexte social. Nous savons que cette annonce, confiée d’abord aux apôtres et puis à nous tous, comporte deux volets : une proclamation en actes et en paroles.
En actes, pour montrer quels fruits produit celui qui accueille la force de l’évangile, quel renouvellement pour notre société, si nous voulons qu’elle se bâtisse sur l’amour et non sur le profit, la violence ou la recherche du plaisir sans fin.
Et en paroles, pour dire en qui nous puisons cette force de vie et de renouveau ; témoigner de l’Esprit qui nous entraîne toujours plus loin.
Ainsi Dieu nous confie de le faire connaître, lui et sa Parole de vie. Personne d’autre ne le fera à notre place. Il nous veut pleinement responsables, et pour cela, il s’absente, mais sans nous laisser seul, puisque Jésus précise : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit-Saint qui viendra sur vous. »
Il ne nous laisse pas orphelins, et nous découvrons comment avec la deuxième lecture : « l’Église, qui est son corps, c’est l’accomplissement total du Christ. » Oui, en paroles et en actes, nous avons à le faire ensemble, en Eglise. Tandis que nous sommes actuellement privés de nos rassemblements, nous avons la chance d’en ressentir davantage l’importance. On ne peut durablement être chrétien sans le vivre en communauté, et nous pressentons quelle joie ce sera, quand enfin nous pourrons à nouveau nous rassembler. Alors plutôt que de faire attention aux prophéties de malheur, il est bon de reprendre les mots du Pape Paul VI à propos du Concile : « Plus tard l’historien se demandera : que faisait l’Eglise pendant le Concile ? L’Eglise aimait ! Elle aimait le Christ, elle aimait tous les hommes. » Que fait l’Eglise aujourd’hui sous le vent du virus ? Va-t-elle se laisser prendre par la peur d’une catastrophe annoncée ? N’est-il pas plus réaliste , plus conforme à l’appel de l’évangile, qu’elle dise et que nous disions : “Notre Eglise, notre communauté, elle aime, elle consacre toute son activité à aimer, d’un même élan, Dieu et ses frères les hommes !“ A chacun de nous, de voir comment rendre cet amour plus effectif. Déjà bon nombre d’entre nous le vivent et traduisent cela par des engagements concrets. Mais il y a tant de situations à prendre en compte qu’il y a place pour tous et que beaucoup de bénévoles sont nécessaires, pour faire jaillir un réel service de tous ceux qui peinent. Certainement que, sur cette piste, un vrai bonheur nous habitera, selon la parole de Jésus : « Heureux le serviteur que le maître, à son retour, trouvera occupé… »
D’ailleurs et c’est la troisième piste, le départ de Jésus pour son Père et son accomplissement auprès de lui, nous est offert comme un avenir formidable. Pour nous aussi, notre réussite et notre accomplissement se situent là, auprès de Dieu, dans sa splendeur. Jésus qui le premier a pris ce chemin nous ouvre une route à suivre. Comme l’exprime la Préface de ce jour, cette vérité nous est manifestée : « Jésus ne s’évade pas de notre condition humaine, mais en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour. » C’est dire que notre vie et notre monde ne sont pas voués à quelque catastrophe, mais au contraire débouchent sur un monde réconcilié selon le cœur de Dieu. Et d’en reprendre conscience devrait nous rendre plus ardents et plus convaincus pour y travailler sans relâche.
Aujourd’hui donc, reprenons conscience de cela pour nous en réjouir, pour faire la fête : 3 raisons :
Avec Jésus, Dieu se fait discret. Il nous laisse toute la place pour que soyons ses témoins en actes et en paroles. C’est la fête de notre pleine responsabilité
C’est ensemble, en peuple, en Eglise que cela nous est confié, les uns stimulant et entraînant les autres, en une vivante Espérance. C’est la fête de notre rencontre, une rencontre que nous souhaitons prochaine et effective.
Et Jésus, déjà parvenu au terme, comme le premier d’une multitude de frères, nous manifeste en ce jour que le résultat final n’est pas douteux. Dieu triomphera par l’amour. Pour en vivre, nous avons les derniers mots de l’évangile : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » C’est la fête de notre Avenir : A bientôt et bonne fête !
Alain Patin