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      "Espérer et Résister"

"Espérer et Résister"

A l’occasion de la conférence en Essonne "Comment espérer, comment résister"

A l’occasion du 1er mai 2025, l’ACO, en lien avec plusieurs partenaires associatifs de l’Essonne, co-organise une journée sur le thème "Comment espérer, comment résister" à Sainte Geneviève des Bois. Lors de cette journée, le secrétaire national de l’ACO interviendra aux côtés de Pierre Larrouturou. Voici quelques extraits de son intervention.


Intervention de JF Courtille pour l’ACO le 1er mai à Sainte-Geneviève-des-Bois

Il y a cent ans naissait, dans un petit village des Ardennes, Saint Menges, un enfant appelé à jouer un rôle important dans la vie et l’histoire du département de l’Essonne et de son diocèse. Cet enfant s’appelait Guy Herbulot. Plusieurs d’entre vous ont eu la chance de le connaître et de partager ses engagements. Le 10 mai 1940, Guy découvre avec douleur les chars de l’armée hitlérienne qui traversent son village, le premier de la France à partir de la frontière ardennaise. Très vite, il décide d’entrer dans la Résistance.
Quand il m’a raconté cet épisode de sa jeunesse, au début des années 2000, je lui ai demandé : « Qu’est-ce qui vous a donné envie, à l’époque, de prendre le risque de résister ? ». Il m’a répondu ceci : « Nous ne supportions pas de perdre notre liberté. Et nous pensions qu’un jour ou l’autre, ce cauchemar prendrait fin. Alors, il fallait commencer tout de suite et s’engager ». Très longtemps après la guerre, devenu évêque du diocèse d’Evry-Corbeil-Essonnes, le père Herbulot lança une démarche pastorale audacieuse, « Le courage de l’avenir », qui initia un synode marquant pour l’Eglise catholique locale et pour le territoire. Ses successeurs, Michel Dubost et Michel Pansard, ont suivi à leur manière ce sillon jusqu’à aujourd’hui, avec beaucoup d’entre vous.

Résister et Espérer : c’est bien de cela dont il est question pour nous, en ce 1er mai 2025, Fête des travailleuses et des travailleurs, dans ce cadre bucolique du parc de la Châtaigneraie, au cœur du Centre Jean XXIII. Résister comme les jeunes clandestins de la nuit du nazisme. Espérer comme les croyants engagés dans la démarche du Courage de l’Avenir.

Témoignage d’une participante le 1er mai à Sainte-Geneviève-des-Bois

Qu’est-ce qui me fait résister aujourd’hui ? je suis ici d’abord au nom d’un mouvement qui s’appelle l’Action catholique ouvrière, et c’est déjà un premier élément de réponse. J’ai été frappé, en préparant ce témoignage, de retrouver le thème d’une rencontre nationale de l’ACO à Poitiers, il y a 25 ans. Le thème était : « Résiste, espère, ensemble, choisissons la vie ».

Ce qui me fait et nous fait résister en 2025, c’est l’envie de refuser la fatalité du discours ambiant véhiculé par trop de décideurs et trop de médias. Un discours qui veut nous faire croire à la disparition du monde ouvrier, car celui-ci a simplement changé de physionomie. Un ouvrier aujourd’hui, ce n’est plus nécessairement une personne qui travaille à la chaîne dans une usine, comme autrefois, car l’industrie française a fondu au fil des années dans notre pays. Un ouvrier aujourd’hui, c’est une personne qui accomplit une œuvre de ses mains, et qui ne dispose comme seule ressource que de l’argent gagné par son travail. Pour vous donner un seul exemple qui vous semblera sans doute parlant, un livreur à vélo travaillant pour une plateforme comme Uber est un ouvrier d’aujourd’hui. Sa situation est proche de celle des couturières à façon qui, au XIXème siècle travaillaient chez elle à la lueur des chandelles pour de grandes maisons de couture.

En ACO, l’une de nos priorités est de défendre la dignité des femmes et des hommes qui travaillent. Une dignité si souvent bafouée, à travers les plans de licenciement, la précarité professionnelle, les conditions de travail indécentes, les faibles revenus et l’absence de reconnaissance. C’est pour cela que partout en France, nous proposons chaque année des initiatives autour de la Journée mondiale du travail décent le 7 octobre. C’est pour cela que nous avons lancé le 22 avril dernier, avec la Jeunesse ouvrière chrétienne et tous les collectifs de la Mission ouvrière, un appel à participer aux initiatives du 1er mai, comme celle d’aujourd’hui et aussi aux manifestations. Pour ma part, j’irai cet après-midi à Paris défiler aux côtés des syndicats, comme chaque année.

Manifestation du 1er mai 2025 à Paris

Ce qui me fait et nous fait résister aujourd’hui, c’est l’envie de combattre le mépris et la violence qui accablent les personnes les plus fragiles de notre société. Je pense notamment à ces travailleuses et travailleurs privés d’emploi qui sont de plus en plus stigmatisés, désignés comme des feignants, des assistés. Les lois et les décrets qui se succèdent en France depuis six ans ne cessent de compliquer leur situation au lieu de les aider à trouver une issue digne à leur situation. Je pense aussi à ces travailleuses et travailleurs handicapés dont l’activité n’est pas reconnue comme un travail à part entière.

Avec l’ACO et au sein du Collectif pour la parole de chômeurs, dont font partie une vingtaine d’associations, nous essayons de changer ce regard méprisant de la société.
Ce qui me fait et nous fait résister aujourd’hui, c’est l’envie de défendre l’idéal républicain de la France, notre pays, qui s’est construit au fil du temps par l’apport de générations successives de migrants. Nous vivons une époque où, comme souvent lors des crises économiques et sociales, il est facile de désigner l’étranger comme le bouc émissaire de toutes nos difficultés. En Action catholique ouvrière, beaucoup d’entre nous sont des Français d’origine étrangère ou nés à l’étranger, ou mariés avec des personnes d’origine étrangère.

Nous n’avons pas oublié, pour donner quelques exemples, les Polonais venus travailler dans les mines, les Nord-Africains embauchés dans les grandes usines automobiles, et plus récemment, tous ces travailleurs et travailleuses du Moyen-Orient, du Sahel, d’Europe de l’Est qui oeuvrent dans les hôpitaux publics, dans le bâtiment ou dans les sociétés de nettoyage. Notre foi chrétienne nous rappelle chaque jour la dimension universelle de l’être humain. Et notre mémoire nous rappelle à quel point les étrangers ont joué un rôle dans tous les grands combats de la Seconde guerre mondiale. Non loin d’ici, à Evry, un parc porte le nom de Missak Manouchian, honoré au Panthéon en février 2024 avec tous les étrangers de son groupe de résistants. Beaucoup de gens se souviennent encore de ces « tirailleurs sénégalais » ou des guerilleros espagnols tombés dans les combats pour libérer la France du nazisme.

Ce qui me fait et nous fait résister aujourd’hui, c’est la nécessité de porter attention à la situation internationale très préoccupante, marquée par la montée de l’extrémisme et du totalitarisme dans de nombreux pays, à travers le monde. Par exemple, alors que nous fêterons cette année les 50 ans de la fin du franquisme en Espagne, un mouvement politique d’extrême droite, Vox, a failli prendre le pouvoir lors de législatives récentes. Les guerres qui déchirent plusieurs régions de notre planète sont aussi un motif d’inquiétude. Les massacres subis par les Ukrainiens, par les habitants de Gaza ou par les kibboutzim et les ravers d’Israël nous ont marqués profondément ces dernières années.

Notre association, l’ACO, est membre du Mouvement mondial des travailleurs chrétiens, cette organisation internationale qui, sur tous les continents, témoigne de la vie, des luttes, de l’espoir et de la foi des personnes dans le monde du travail. Et nous participons à la collégialité du CCFD Terre solidaire, qui mène notamment en ce moment un travail remarquable sur des sujets comme la lutte contre le patriarcat ou contre l’extractivisme.

L’assemblée Espérer et Résister le 1er mai 2025

Ce qui me fait et nous fait résister aujourd’hui, c’est l’envie de préserver la planète et les merveilles de la création. Elles nous ont été transmises, elles ne nous appartiennent pas, nous avons le devoir sacré de les protéger pour les redonner aux générations futures.

Avec l’ACO, nous avons récemment publié un dossier sur le thème de la consommation responsable. Notre partenaire, Chrétiens dans le Monde du Rural, membre du Collectif « Nourrir », avec lequel nous partageons des locaux à Paris, nous associe régulièrement à sa réflexion sur le droit à l’alimentation et sur le respect du monde paysan. J’ai la chance de faire vivre avec toute une équipe la revue nationale de l’ACO, Témoignage, dont j’ai amené quelques exemplaires aujourd’hui. Deux de nos derniers dossiers ont été consacrés à l’éducation citoyenne et à l’éducation populaire, que nous percevons comme des piliers de la démocratie.

Je terminerai cette première intervention en citant une phrase d’une grande résistante, décédée récemment, qui s’appelait Madeleine Riffaud. Elle affirmait ceci : « Résister, c’est aimer les gens ».

Espérer

La peur est un piège dans lequel chacune et chacun d’entre nous pourrait avoir la tentation de succomber aujourd’hui. Peur de l’avenir, peur de l’autre, peur de notre fragilité et de notre ignorance face aux changements considérables qui marquent notre monde. Mais l’être humain se nourrit toujours d’espoir. Et le chrétien, par surcroît, se nourrit d’espérance. Le dernier livre du Pape François, comme un testament spirituel, s’intitule d’ailleurs « Espérer ».

Je me souviens d’une conversation avec un ancien résistant lyonnais, il y a déjà une vingtaine d’années. Il évoquait son expérience de la clandestinité et me racontait tous les risques pris pendant cette période de la terreur nazie. Je lui ai demandé : « qu’est-ce qui vous a donné la force de continuer, alors qu’objectivement, il n’y avait plus beaucoup de raisons d’espérer ? ». Il m’a regardé d’un air surpris et il m’a répliqué : « pourquoi dites-vous cela ? Il y a toujours de l’espoir ! ».

Et cette fête internationale du 1er mai, avant toute chose, nous parle d’espoir. Des femmes et des hommes de tous horizons, à travers le monde, se mobilisent, certains pour manifester, d’autres pour se rencontrer et débattre ensemble comme nous le faisons ce matin. Ils espèrent que le monde dans lequel ils vivent va changer, s’améliorer. Ils croient en la fraternité et en la solidarité. Ils ont envie de construire un avenir meilleur, avec les autres.

Voilà d’abord ce qui me donne et nous donne envie d’espérer aujourd’hui : cette capacité des êtres humains à faire mémoire des luttes collectives d’hier et à se projeter vers un avenir plus fraternel. Et en ce 1er mai, cette envie toute simple de se retrouver pour faire la fête, rire, chanter et aussi exprimer des attentes, des revendications collectives, des idées nouvelles.

L’un des groupes de partage le 1er mai à Sainte-Geneviève-des-Bois

Ce qui me fait et nous fait espérer, dans cette époque politique troublée, où en France, la tentation du totalitarisme est de plus en plus forte, c’est une expérience comme celle que j’ai eu la chance de vivre, avec 500 autres personnes, à Paris fin juin 2024. A l’initiative de collectifs de jeunes, Anastasis, Lutte et contemplation et le café Dorothy, qui se réclament du christianisme social, un rassemblement œcuménique contre les idées de l’extrême droite a été organisé. Ce jour-là, nous avons chanté, prié et dansé ensemble, pris la parole à tour de rôle au nom de nos associations et réaffirmé les valeurs humanistes qui nous rassemblent. Ces valeurs puisées à la source de l’évangile, qui nous invite à rêver à plus d’humanité, de fraternité et d’amour.

Bien sûr, comme disait Bertolt Brecht en conclusion de l’une de ses pièces de théâtre les plus célèbres, « Il est encore fécond le ventre d’où a surgi la bête immonde ». Mais la force que nous avons partagée ensemble, ce dimanche après-midi de juin 2024 à Paris, continue de nous habiter et de nous motiver.

Ce qui me fait et nous fait espérer aujourd’hui, ce sont ces milliers de femmes et d’hommes, à travers le monde qui se battent contre les violences et les injustices faites aux femmes, contre le système patriarcal, et aussi pour une relation tissée de respect et d’égalité entre les hommes et les femmes. Je pense bien sûr à cet extraordinaire mouvement de révolte collectif en Iran depuis plusieurs années, porté par ce slogan à la portée universelle : « Zan, Zendegi, Azadi », autrement dit « Femme, Vie, Liberté ».

Mais je pense aussi aux foules du 8 mars, Journée de lutte internationale pour les droits des femmes, où les jeunes sont très présents. Quand je vivais à Tarbes, j’ai assisté avec émerveillement à la naissance d’un collectif de lycéennes et de lycéens, baptisé « Les mains violettes », qui tentait de sensibiliser les habitants des Hautes-Pyrénées à l’égalité et au respect mutuel entre femmes et hommes, filles et garçons.

Ce qui me fait et nous fait espérer aujourd’hui, ce sont ces travailleuses et travailleurs handicapés des ESAT qui luttent pour la reconnaissance de leur dignité au travail. Il y a un peu plus d’un an, à la Bourse du travail de Paris, ils ont organisé la première rencontre nationale des travailleurs en ESAT, soutenus par des associations et des syndicats. Ils n’ont pas eu peur de rencontrer des élus locaux, de solliciter des entretiens avec des représentants du Ministère, de tout tenter pour faire bouger les lignes. Dans notre société encore trop dominée par le validisme, cette violence quotidienne imposée aux personnes fragiles ou handicapées, ils ont montré leur courage, leur finesse et leur capacité à proposer des solutions nouvelles.

Ce qui me fait et nous fait espérer aujourd’hui, en particulier sur ce territoire du Val d’Orge, c’est le choix que font des femmes et des hommes de rendre visite aux détenus de la plus grande prison d’Europe, celle de Fleury-Mérogis. Un être humain ne peut jamais se réduire à l’acte qui a provoqué sa mise en détention. Il continue de s’inscrire dans une histoire, il est appelé à changer et à se tourner vers un avenir différent. Le Christ nous le rappelle dans l’évangile selon Saint Mathieu, lorsqu’il affirme : « j’étais un prisonnier et vous m’avez rendu visite ». Quand je vivais en Essonne, j’ai eu la chance de participer, avec les associations ASF et ARAPEJ, à l’aventure de la création d’un centre d’accueil pour les sortants de prison les plus démunis, la résidence Le Phare, qui a poursuivi son activité au fil des années, élargissant l’accompagnement aux personnes démunies en recherche de logement. Mon espérance, notre espérance est aussi ancrée dans cette conviction profonde qu’un être humain est toujours capable d’évoluer, de se transformer, d’aller vers le meilleur de lui-même.

Intervention de Pierre Larrouturou le 1er mai à Sainte-Geneviève-des-Bois

Ce qui me donne et nous donne de l’espoir, c’est l’engagement de beaucoup de personnes dans des collectifs, associations, syndicats, partis politiques mais aussi clubs sportifs ou culturels. La France reste au fil du temps l’un des pays où l’engagement associatif est le plus fort. L’attention à l’autre, l’envie de quitter nos zones de confort pour inventer des projets à plusieurs, tous ces dynamismes donnent de vraies raisons d’espérer. Parmi les jeunes, l’engagement aujourd’hui prend souvent des formes nouvelles. Ils inventent des initiatives et des codes propres à la génération. Cela déroute parfois les plus anciens, c’est normal, mais n’oublions jamais que la jeunesse finit toujours par éclairer le monde.

J’évoquais lors de ma première intervention ce texte magnifique du Père Herbulot, « Le courage de l’avenir ». S’il était parmi nous aujourd’hui, je pense qu’il serait heureux de constater que les moissons se sont poursuivies au fil des années, dans cette terre de l’Essonne à laquelle il s’était profondément attaché. Je terminerai cette intervention en évoquant une autre grande figure de l’Essonne que certains d’entre vous ont sans doute eu la chance de connaître.

Elle était fille d’Espagne et avait rencontré l’amour en France. Toute sa vie, elle a résisté, espéré, sans jamais se lasser. Elle s’appelait Goyita Epaillard. Et voici ce qu’elle m’a confié un jour, témoignant pour un livre intitulé « Femmes des cités, fleurs de l’espoir » : « Jusqu’à mon dernier souffle, je me battrais contre l’injustice et contre l’exclusion ».

Jean-François Courtille, secrétaire national de l’ACO

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A l’occasion de la conférence en Essonne "Comment espérer, comment résister".

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