Homme passionné par sa famille, son métier, la vie, la piste, la musique, les chevaux… Il a beaucoup d’esprit et d’humour derrière lesquels il dissimule des blessures dont il nourrit ses réflexions et tire une profondeur indéniable.
La famille, un fondement
Il a des origines italiennes, alsaciennes et normandes. Des histoires de rencontres merveilleuses qui ont vaincu les préjugés. Né en 1944, dans la caravane de sa grand-mère, il a toujours vécu avec ses parents dans un univers de spectacle familial dans lequel il a aussi entraîné ses enfants et petits-enfants. Ensemble, avec d’autres, par des efforts physiques, intellectuels, financiers, de solidarité, d’entraide énormes, ils produisent de l’émerveillement et des applaudissements. Cette complémentarité fait leur force. Pour créer un spectacle, il leur faut 3 ans. Des années de travail pour produire des gestes éphémères.
Des convictions enracinées
C’est un homme qui croit à l’instruction, à l’éducation, à la transmission, au don et à la complémentarité, pas à l’égalité ni à la tolérance. Il sait qu’il faut du temps pour rencontrer, choisir, assembler. Il déplore qu’aujourd’hui on cherche surtout à prendre dans un objectif lucratif, et pas à donner.
Pour lui, éduquer c’est faire sortir de soi pour faire grandir et il applique cela à toute nature (humain, animal, matière…). Son rôle d’artiste, c’est de sublimer la nature et de la magnifier. Bien loin des positions des antispécistes (1) qui l’ont contraint à se défaire de son éléphant.
Assembler, chercher l’équilibre, l’harmonie, ainsi, tente-il de faire la volonté de Dieu en sachant que le temps ne revient pas. Tous les 15 août et les 24 décembre, des messes sont célébrées sous le chapiteau. « Si on ne fait rien, il ne se passe rien. Si les gens viennent, c’est qu’ils y trouvent ce qu’ils cherchent ».
Un univers
Le cirque, son monde, son travail, une vraie distraction dit-il. La piste, un lieu, mais aussi une forme géométrique circulaire infinie ; son outil de travail d’où on peut s’élever mais pas sortir. Découverte voilà 250 ans, d’où le thème du spectacle*, elle fait 40 m de circonférence et 13 m de diamètre ; elle est à l’échelle des dimensions de la terre. C’est un espace scénique fantastique où tout mouvement développe un sens de l’équilibre absolument extraordinaire par le magnétisme provoqué, qui attire à l’extérieur. Elle n’a jamais de fin. D’ailleurs pour lui, il n’y a pas de dernière séance, ce sont des avant-premières, puisque ça tourne. La piste est aussi universelle ; on y voit des artistes de toutes nationalités et toutes les espèces d’animaux. La terre dont elle est recouverte (la sienne, qu’il déplace), où s’enracinent profondément son histoire familiale et ses créations, est aussi fertile.
Les créations sont également inspirées de moments incroyables, dont il reconnaît le privilège. En hiver, il voit la Tour Eiffel de sa fenêtre. Il a assisté à la Philharmonie de Berlin à une répétition dirigée par Karajan, et découvert qu’il ne peut y avoir d’harmonie, sans accord et sans synchronie par l’action du maître, comme la vie. Des expériences et émotions dont la synthèse est bien l’amour.
Propos recueillis par Elisabeth Peralta
1 Militants refusant la suprématie humaine sur les animaux et luttant pour que les intérêts de ceux-ci soient pris en compte
*Origines, spectacle du 13 octobre 2018 au 3 mars 2019à Paris, Porte de Passy
A paraître : Les bâtisseurs de l’éphémère de Natalie Petiteau, par la Société Printteam de Nice,2018, 192 p.