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      Lettre ouverte au Président de la République

Lettre ouverte au Président de la République

63 associations ou collectifs ont adressé en janvier 2025 une lettre ouverte au Président Emmanuel Macron pour l’alerter sur la situation de non-accueil des personnes exilées en France et à Paris depuis 10 ans. Voici le texte intégral de cette lettre.


Mr le Président, il est urgent de résoudre 10 ans d’une situation intenable : celle du non-accueil et de la violence institutionnelle envers les personnes exilées.

Un système d’accueil en crise

En 2015, le nombre de personnes venues demander l’asile en Europe augmente. Cette situation, rendue visible à Paris par l’installation de centaines puis de milliers de personnes dans des campements de rue, est qualifiée de « crise migratoire ». Une appellation que nous rejetons, constatant quotidiennement sur le terrain que c’est le système d’accueil qui est en crise. Pour les familles, enfants, femmes et hommes qui survivent dans ces lieux de vie informels, les conditions de vie sont délétères pour leur santé physique et psychique et parfois fatales. Bien que très visible à Paris, cette situation a des répercussions nationales : le cycle infernal de démantèlements de ces campements et d’opérations de “mises à l’abri”, s’accompagne de la délocalisation en bus de ces personnes vers d’autres régions, la plupart du temps sans concertation avec elles. Elles subissent alors une perte de repères, de ressources et d’opportunités dans un contexte déjà précaire d’hypermobilité.

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement »

Par ailleurs, Paris est souvent un lieu d’étape avant le littoral des Hauts-de-France où les atteintes aux droits fondamentaux sont innombrables et mortifères. Un état de fait intolérable, auquel vous disiez précisément souhaiter mettre un terme lorsque vous déclariez, le 27 juillet 2017 : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus ». Cette situation de non-accueil, c’est aussi 10 ans de victoire idéologique de l’extrême-droite, car elle est pensée structurellement pour éviter un supposé « appel d’air ». Cette théorie infondée, largement infirmée depuis des années par les chercheur·es qui travaillent sur ces questions, propose une lecture erronée des dynamiques de l’exil consistant à croire que l’on fuirait les persécutions et la pauvreté non pas en dernière mesure pour se sauver, mais plutôt pour venir profiter à Paris d’une place d’hébergement ou de minimas sociaux. Les équipes gouvernementales successives ont ainsi appliqué une politique de non-accueil systématique et fait de la vie des primo-arrivant·es un enfer.

Maltraitance des personnes exilées

Le passage par la case sans-abrisme est obligatoire pour dissuader de venir, ou de rester, toutes celles et ceux qui viennent demander une protection dans notre pays. Ces 10 dernières années ont été marquées par la maltraitance des personnes exilées à Paris et en Île-de-France. Diverses modalités de gestion de l’enregistrement des personnes ont été expérimentées : des files d’attente interminables devant des dispositifs sous-dimensionnés, notamment durant l’épisode de la « Bulle humanitaire » à Porte de la Chapelle ; la dématérialisation du guichet de demande d’asile, devenu un numéro de téléphone payant en 2017, et qui participe à l’invisibilisation des personnes exilées des espaces publics sans pour autant faciliter leur accès aux dispositifs et à leurs droits. L’encampement des personnes exilées se traduit par l’existence de nombreux lieux de vie informels et notamment de campements regroupant parfois jusqu’à 4000 personnes à Paris et en petite couronne. Les nombreuses tentatives des autorités de mettre fin à ce phénomène par une politique de « zéro points de fixation » se sont matérialisées par des scènes de violences répétées lors et suite aux démantèlements de ces lieux de vie. A l’instar du nettoyage social organisé à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), la réponse politique a toujours été plus policière qu’humanitaire, dévoyant l’usage initial prévu du service public policier et faisant des expulsions et du harcèlement par les forces de l’ordre, l’une des conditions structurelles du quotidien des personnes exilées à Paris.

Renforcement du « sans-abrisme »

Mais cette décennie a aussi été marquée par plusieurs épisodes de prises en charge d’ampleur ; pendant la pandémie de la Covid-19 en mars 2020, lors de l’arrivée des 3000 Afghan·es qui fuyaient la prise de Kaboul par les talibans en août 2021, ou à l’occasion de l’accueil inconditionnel des Ukrainien·nes dès le mois de mars 2022. Ce choix structurel du non-accueil et donc du renforcement du sans-abrisme dans notre pays et de son traitement partiel et très court-termiste dans une urgence perpétuelle, légitimée par l’emploi du terme de "crise", semble être la méthode préfectorale envisagée pour encore de nombreuses années. En effet, depuis 2015, les préfectures d’Île-de-France ont organisé à minima 405 opérations de « mise à l’abri » de ces campements. Pourtant, dans une France qui se disait « prête à accueillir le monde » pour ces JOP et qui a vu lors de la cérémonie d’ouverture Filippo Grandi le Haut-Commissaire des Nations Unis pour les réfugiés recevoir les Lauriers olympiques, les campements et la rue restent le seul recours pour les futur·es arrivant·es.

De nombreuses solutions existent

Il y a urgence à mettre un terme à 10 ans de non-respect des droits humains et de nos engagements en droit international. Pour cela de nombreuses solutions existent : ouvrir des dispositifs de premier accueil inconditionnels à Paris et dans d’autres villes d’arrivée, calqués sur ceux prévus pour les Ukrainien·nes. Réquisitionner des bâtiments vides pour agrandir le parc de logement et d’hébergement au niveau national. Et enfin, mettre des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins, afin de faciliter l’insertion dans la société des personnes exilées dès leur arrivée, en rendant effectif leur accès au marché du travail, à des cours de français, à un logement digne et à un réel accompagnement social et sanitaire.

La liste des organisations signataires

1. Le CAD 2. Médecins du monde 3. Les midis du MIE 4. Famille France-Humanité 5. Pantin solidaire 6. Polaris 14 7. Accueil réfugiés Bruz (35) 8. Association française des juristes démocrates 9. Utopia 56 10. FEDERATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSEE 11. LDH 12. ANTANAK 13. La gamelle de Jaurès 14. Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR) 15. ASTI de Petit-Quevilly 16. Collectif de soutien psychologique LE PONT Martigues 13 17. Fédération de Paris du MRAP 18. 100 pour 1 Vaucluse 19. Attac Paris 19/20 20. Yoga and Sport With Refugees 21. Révolution Écologique pour le Vivant (REV) 22. Cévennes Terre d’Accueil 23. La Chorba 24. CCFD -Terre solidaire 93 25. Time To Help France - Le Temps du Partage 26. Fédération Addiction 27. Habitat-Cité 28. Emmaüs France 29. Humanity Diaspo 30. Babel 31. ACCEPTESS-T 32. THE WILSON BARBERS 33. FÉDÉRATION ETORKINEKIN DIAKITÉ 34. Association SOLIPAM 35. Echo des restanques 36.Dom’Asile 37. LIRIDONA ( RESF 48 ) 38. TIMMY - Soutien aux Jeunes Exilés 39. Kolone 40. Autremonde 41. Attac France 42. THOT 43. Les enfants du canal 44.Collectif des sans papiers de Livry-Gargan 45. Planning familial 75 46. Act up Paris 47. Association Addictions France 48. Les Pétrolettes 49. STRASS, syndicat du travail sexuel 50. Le Planning familial 51. Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) 52. SOLIDARITE JEAN MERLIN 53. Coucou Crew 54. Q.U.E.E.R. Auvergne 55. Coucou Crew 56.JRS France (service jésuite des réfugiés) 57.Médecins sans frontières 58.Dom’Asile 59.Comité Contre l’Esclavage Moderne 60. La Cimade Ile-de-France 61. Union syndicale Solidaires 62.Collectif Migrants 83 63. L’Assiette Migrante

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