Durant 13 ans sur Paris, j’ai partagé les conditions de travail des caissières en ‘magasin populaire’. Travail rude, décapant en périodes de pointe, au moment des fêtes… Pourtant, avec mes collègues et tout spécialement l’équipe des caissières, nous avons vécu des moments inoubliables. Joie d’un vivre ensemble qui a soudé l’équipe, créé une section syndicale avec l’amélioration de certaines conditions de travail, même si, 30 ans après, il y a remise en cause… Une amitié demeure, bien présente au-delà du temps, des distances.
Je pense à Guilaine qui est retournée à la Martinique, à qui j’avais demandé d’être témoin à mon engagement définitif. Il lui arrive de téléphoner pour prendre des nouvelles et me demander : « Dis, tu es toujours fidèle ? N’oublie pas que j’ai été ton témoin, que j’ai signé le registre ! ».
Dans le chômage
En 1984, après un changement de communauté où je suis envoyée dans le Pas-de-Calais, je bascule dans le chômage… Même avec une communauté, une congrégation, qui vous soutient, la désespérance s’installe très vite… Finalement, la parole d’un psaume -« Mais la ténèbre n’est point ténèbres devant Toi, et la nuit comme le jour illumine… »- m’a donné de comprendre que le Seigneur m’attendait ‘vivante’ avec les demandeurs d’emploi, partageant comme eux, avec eux, cette galère…
Miracle de la Parole priée qui apporte Lumière, Vie. Véritable renaissance avec la création d’un comité chômeurs, puis, en 1988, celle de l’association Pour le Droit au Travail à Lens, née d’une poignée de demandeurs d’emploi que je rejoins à l’appel d’un copain.
L’association adhère au Mouvement National des Chômeurs et Précaires.
Rencontrer l’autre nourrit de manière mystérieuse
En 1990, grâce à tout un élan de solidarité, l’association peut bénéficier d’un local sur le quartier de la Grande Résidence et d’un poste de permanent.
Les copains voteront à l’unanimité mon embauche. Je ne pourrai jamais oublier que je suis sortie du chômage par leur proposition, leur confiance, leur humilité « Nous, on ne saura pas faire. C’est pour toi ». Alors qu’ils avaient charge de famille, parfois sans ASSEDIC, et le RMI se mettait juste en place.
Toujours engagée
Aujourd’hui, à la retraite, je reste engagée, tout particulièrement avec les demandeurs d’emploi, et dans les différentes structures que nous avons mises en place pour tenter de créer de l’emploi. Je continue à être témoin de gestes de solidarité, de combativité, de fraternité, de fidélité, d’espérance… ‘Terre sacrée’ à cultiver !
Dans la prière personnelle et communautaire, dans la relecture du vécu, je recueille cette vie comme un trésor, comme lieu de Sa présence et de communion à Sa vie donnée.
Chemin de vie passionnant… au sens de ‘passion-souffrance’, le réel est quand même, certains jours, lourd à porter, et ‘passion-amour’ par tout ce qui donne du ‘lien’, dans ce quotidien fait de relations, de rencontres (voisinage, courses, transports…), d’engagements. Ma joie n’existerait pas sans toutes ces relations !
Rencontrer l’autre, les autres, nourrit d’une manière ‘mystérieuse’, parfois même apporte plénitude et laisse sans voix… Cette vie contemplée me révèle ‘l’Innommable’ qu’il m’est donné d’adorer au cœur du monde !
Odile Maréchal
Contact : odilemarechal chez orange.fr