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        Jour 47 du confinement

Jour 47 du confinement


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  • 3 mai 2020
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L’évangile de dimanche nous parle du berger, attentif à chacune de ses brebis ; cette image est liée à celle du Père dont Jésus témoigne.
« Les publicains et les pécheurs s’approchaient tous de Jésus pour l’écouter, ce qui faisait rouspéter pharisiens et scribes ; ils disaient : “cet homme accueille les pécheurs et il mange avec eux ! ” »

Autrement dit, pourquoi agis-tu ainsi ? Et Jésus doit s’expliquer et pour cela, il propose trois paraboles : celle du berger à la recherche d’une brebis, celle de la femme à la recherche d’une pièce, et puis « Jésus dit encore : Un homme avait deux fils… » (voir la suite en Lc 15, 11-32) En clair, Jésus déclare : je fréquente pécheurs et publicains (les derniers des derniers), pour manifester de quel amour Dieu mon Père entoure tous les hommes, quels qu’ils soient.”

A l’écoute de l’histoire des deux fils, la première réaction qui vient, c’est que manifestement ça va trop loin. On est d’accord avec le fils aîné : le père, cette fois-ci, dépasse les bornes ; on dirait qu’il récompense le fils ingrat et infidèle, tandis qu’il en oublie presque le fils dévoué et persévérant ! Ce n’est pas possible : comment comprendre son attitude ? Ce qui est en cause ici, c’est bien l’attitude du fils aîné : il n’accepte pas que son père soit aussi le père de son frère. Avec mépris, il dit en parlant de lui : “quand ton fils que voici revient ”… Il n’admet pas que son père puisse manifester ainsi son amour, comme il l’entend. Il est à l’image des pharisiens et des scribes qui voudraient que Jésus ne s’intéresse pas aux publicains et aux pécheurs, qu’il ne les fréquente pas, qu’il les laisse à leur triste sort.
Mais Dieu peut-il être le Dieu de quelques-uns et non le Dieu de tous ? Peut-on affirmer qu’il est père, sans qu’il soit le père de tous ? Avec cette conséquence que nul ne peut dire “père” ou “notre père”, sans recevoir l’autre, celui qui est différent, opposé ou même adversaire, comme un frère ? Ailleurs Jésus exprime jusqu’où cela peut aller : “Aimez vos ennemis… ainsi vous serez les fils de votre Père, car lui, il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber la pluie sur les justes et les injustes.” Mt 5,44-45

A notre tour, la question nous atteint : quelle est ta relation à Dieu et par là même quelle est ta relation aux autres, à tous les autres, en particulier à ceux que tu es tenté d’exclure et de rejeter ? Sais-tu, au-delà de tes préjugés, y voir des frères et les accueillir comme tels ? Déjà, dans notre vie quotidienne, avec ce qu’elle recèle de conflits latents ou déclarés, en famille, dans le voisinage, dans nos milieux de travail, nous sommes vivement interrogés : nous avons peut-être envie de “rouspéter”, comme dans l’évangile.

Arrivé là, un choix m’est proposé : ou j’accepte l’évangile et j’entre dans une autre optique, celle de l’amour gratuit où tout calcul est périmé, ou bien j’en reste à une juste rétribution des efforts, donnant-donnant. Ne pas trancher, c’est se condamner à être éternellement insatisfait, parce que Dieu nous paraîtra toujours hors normes, trop généreux envers les crapules et pas assez bienveillant envers ses fidèles. Mais si j’adopte sans arrière-pensées la perspective de l’évangile, alors je connaîtrai la joie d’aimer comme je suis aimé, c’est-à-dire follement.

Tout prend alors un autre sens et ce qui paraissait fou, trop hasardeux, devient la seule conduite possible. Les paroles les plus risquées, « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, prêtez sans rien attendre en retour,… » Lc 6,27,34, égrènent la litanie de l’amour gratuit, celui qui n’attend pas de réciprocité pour s’offrir et se donner.

Ce langage de l’amour gratuit s’est exprimé totalement dans la croix du Christ. Face à ceux qui le rejetaient violemment, Jésus a continué à vivre dans la gratuité de l’amour : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lc 23,34. C’est une logique nouvelle, une “sagesse” nouvelle, comme dira l’Apôtre Paul, qui aux yeux des hommes passera pour une folie : « C’est par la folie du message qu’il a plu à Dieu de sauver les croyants… Nous prêchons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs comme Païens, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. » 1 Co 1,21-25.

A cette lumière, j’accueille tout homme comme mon frère, non parce qu’il serait aimable ou parce qu’il aurait mérité quelque peu mon amour. Je le reçois gratuitement, puisque moi-même je sais que je suis aimé ainsi et que c’est la seule façon véritable d’aimer. Le recevoir comme un frère, ce n’est pas manifester un vague sentiment ; ça suppose une relation de chair et de sang : c’est dire sa vie, c’est ma vie ; ses soucis, ce sont mes soucis ; sa dignité, c’est ma dignité. Le frère aîné refuse cette solidarité ; moi, je peux la choisir pour être en vérité l’enfant de mon Père.

Le Père nous invite à aimer dans la gratuité et sans limites ; peut-être avons-nous envie, nous aussi, de “rouspéter ”, de dire “trop, c’est trop”. Réaction légitime, on la retrouve dans l’évangile ! Mais nous sommes invités à ne pas en rester là, à ne pas nous crisper, à rester en éveil, en accueil. Si aujourd’hui nous avons du mal à recevoir l’interpellation de l’évangile, restons ouverts. Demain, peut-être fera-t-elle son chemin en nos cœurs.
Aujourd’hui, moi, j’ai envie de dire : je prends le risque, parce que c’est trop ! Parce que cette façon d’aimer me dépasse de toutes parts, parce qu’elle fait éclater mes calculs mesquins, parce qu’elle m’ouvre des horizons insoupçonnés. Oui, je suis d’accord pour vivre ainsi, d’accord parce que c’est trop ! Je sens que, par ce chemin-là, Dieu veut me mener loin et me faire connaître quelque chose de son cœur. Tant pis, ou plutôt tant mieux, si cela me brûle un peu : l’enjeu en vaut la peine.

Alain Patin
alain.patin chez libertysurf.fr

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