« Il les aima jusqu’au bout », alors que Jésus s’apprête à donner sa vie par amour, nous découvrons la profondeur de ce don dans le premier verset de Jean. Le contexte dans lequel Jésus aime est celui de la trahison de Judas, son ami, celui en qui il avait placé sa confiance. Parfois, dans nos vies, nous avons du mal à aimer celui qui nous trahit, qui dit du mal de nous, jusqu’à, parfois, éviter de le croiser. Jésus aime Judas, il lui lave les pieds et lui partage aussi son corps et son sang.
En Judas, c’est nous que Jésus aime jusqu’au bout, malgré nos faiblesses. Et la première exigence pour comprendre ce que veut dire « être aimé jusqu’au bout » est « de se mettre en mouvement ».
En effet, Jésus nous invite à nous déplacer puisqu’il nous invite à sa table ; là, il nous offre ses pensées les plus intimes, ce qui ouvre pour nous une seconde exigence de l’amour : « se mettre à l’écoute ».
Jésus nous aime dans l’état où nous sommes, comme il a aimé malgré tout Judas et c’est dans ce climat qu’il lave les pieds de ses disciples. Plutôt que de faire de grands discours, Jésus pose un geste. Il faut savoir savoir qu’à l’époque, on ne se mettait pas à table sans s’être lavé les pieds car on marchait pieds nus. Dans les maisons riches où l’on avait des esclaves, on leur réservait cette tâche humiliante de laver les pieds des maîtres et des hôtes. Voilà donc Jésus qui s’abaisse jusqu’à prendre cette condition d’esclave.
Nous comprenons la réaction de Pierre devant ce geste plutôt révolutionnaire. C’est ainsi que Jésus se fait le dernier des serviteurs afin que nous, ses disciples, nous nous placions dans cette condition humble de serviteurs de nos frères. Pour lui, servir, c’est le véritable amour.
Aimer ce n’est pas un pouvoir qui écrase, c’est un service qui relève .
Et par conséquent, il ne peut y avoir une classe qui sert et une classe qui se laisse servir. Tous doivent servir. C’est ainsi, et seulement ainsi que peut se réaliser la libération de l’humanité. Servir c’est être acteur et passeur.
Se mettre en mouvement, se mettre à l’écoute, servir en étant acteur et passeur.
Le message est clair pour nous aujourd’hui ; il nous faudra laver les pieds de nos frères , c’est-à-dire trouver les gestes de service réciproque qui disent l’amour de charité enseigné par le Christ. Nous laver les pieds les uns les autres, n’est-ce pas pour nous, mouvement du monde ouvrier, accepter de servir chacun sans a priori, sans restriction, en ne pouvant accepter de rester indifférents à ce qui se vit autour de nous et dans le monde ? Oser se livrer dans une révision de vie ou un partage élargi, n’est-ce pas une expérience profonde ? Livrer sa vie aux autres et réciproquement est une manière originale de se « laver les pieds » en se faisant serviteurs de la vie des uns et des autres.
C’est aussi se mettre au service d’une Église « en sortie », auprès des migrants, dans des associations qui distribuent de l’aide alimentaire. C’est aussi donner de son temps pour faire remonter les réalités ouvrières de nos secteurs, c’est s’engager vers un pays du tiers monde ou un peuple opprimé ou dans une organisation syndicale. Ou encore donner de son temps pour être au service des personnes des quartiers populaires notamment au moment de Noël, en acceptant de préparer une révision de vie. N’est ce pas sur ces chemins-là que nous sommes témoins de résurrections et que nous percevons cette lumière de Pâques vers laquelle nous avançons vers cette Semaine Sainte ?
Oui, je crois fortement que la rencontre des autres, et plus précisément avec les plus faibles, les plus démunis est « eucharistique » car, en allant vers eux, c’est bien le Christ que nous rencontrons réf à Matthieu 25, verset 40 « quand vous l’avez fait à l’un de ces plus petits , c’est à moi que vous l’avez fait. La table eucharistique est avant tout la table de la fraternité, celle d’une fraternité qui révèle son visage et son origine dans le service des autres.
Nous sommes donc bien appelés en tant que baptisés à faire Église dans le quotidien de la vie, en nous mettant au service les uns des autres à la manière du Christ, avec humilité et vérité, témoins de son amour donné pour l’humanité toute entière. Le lavement des pieds et le sacrement de l’eucharistie sont donc les manifestations d’un même mystère d’amour confié aux disciples et à nous tous « pour que, ainsi que le dit Jésus, vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous ».
Bonne Semaine Sainte.
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