Denis Mazoyer est coprésident de l’Action catholique ouvrière, il revient sur le pontificat qui s’achève avec le décès du pape François. Pour ce militant, il a modifié jusqu’à la structure même de l’Église. Mais d’autres changements sont encore nécessaires face à la montée en puissance des discours haineux de l’extrême droite.
Quel regard portez-vous sur le pontificat de François ?
Dès le début, François a donné sa priorité aux plus pauvres, aux plus exclus, particulièrement en s’engageant auprès des étrangers sans papiers. Son premier voyage était à Lampedusa, d’ailleurs.
Cette place du pape auprès des plus pauvres est quelque chose de fondamental pour nous, à l’Action catholique ouvrière (ACO), qui sommes proches du monde du travail et des milieux populaires. Cet engagement de François s’est aussi traduit dans ses choix personnels au quotidien en n’habitant pas dans les grands hôtels particuliers du Vatican, par exemple.
Il parlait également d’aller aux périphéries, de sortir de l’Église.
Oui, il s’agissait d’aller à la rencontre des personnes, et pas seulement attendre que les gens viennent à l’Église. Aller à la rencontre des plus petits, des plus pauvres, c’est fondamental. Cela s’est traduit par des changements dans les structures mêmes de l’Église, lorsqu’il a choisi, au début, de s’entourer d’un conseil de cardinaux pour ne pas décider tout seul. Au cours de son mandat, il a continué à faire changer les choses sur le plan financier. Et dernièrement, en nommant des femmes au dicastère (ministère – NDLR) du Vatican, il a encore fait bouger les lignes dans le bon sens.
Ses écrits aussi ont été très forts. Son encyclique sur l’écologie intégrale a vraiment montré l’importance de l’écologie humaine pour que chacun ait sa place dans le monde. Il est allé jusqu’à évoquer notre « maison commune ». C’est très important pour le monde catholique. Son encyclique sur la fraternité l’érige comme nécessité au quotidien comme au niveau mondial. Une fraternité qui ne s’affiche pas seulement sur le fronton des mairies mais qui se pratique tous les jours en direction de tous.
Les plus anciens cardinaux ne devraient pas pouvoir prendre part au vote du conclave du fait de leur âge, ce qui revient à donner une majorité aux cardinaux nommés par François. Sur quoi cela peut-il déboucher ?
La petite majorité des cardinaux qui vont voter pour élire le nouveau pape, ceux qui ont moins de 80 ans, ont en effet été nommés par François. Ils ont sans doute une certaine proximité avec la dynamique progressiste qu’il a impulsée.
Cependant, c’est un huis clos. Nous ne pouvons être sûrs de rien. Nous n’intervenons pas au sein du conclave. Les associations et mouvements catholiques n’ont pas de possibilité de faire passer leurs messages. Le contexte international est inquiétant et nous espérons qu’ils ont entendu ce que nous, mouvement d’action catholique, membre du Mouvement mondial des travailleurs chrétiens, avons pu dire, ces dernières années, sur ce qu’il fallait encore faire bouger. La dignité de chacun quel qu’il soit, en n’importe quelle partie du monde, doit être respectée au travail comme dans sa vie personnelle.
Ces mêmes cardinaux peuvent-ils résister aux dérives conservatrices et extrémistes dans le monde catholique ?
Le conservatisme reprend pied. Dans un certain nombre de pays, l’extrême droite avance et un nombre important de catholiques font partie de ses électeurs. C’est inquiétant et cela doit nous interroger. J’espère que les cardinaux seront acteurs de la résistance à cette dérive.
Au sein de l’ACO, nous prions pour cela. Le dernier livre de François, qui est un peu son testament, s’appelle Espère. Je crois qu’il y a un chemin d’espérance pour que cela bouge, partout, ainsi qu’au sein de l’Église catholique, de ses structures et dans l’engagement de chacun de ses membres.
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