« Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent », disait Lucie Aubrac, l’une des grandes figures féminines de l’Armée des ombres* pendant la Seconde guerre mondiale. Nous traversons une époque où la défense des valeurs humanistes dans nos lieux de vie et de travail implique une capacité à résister.
Cet esprit de résistance est toujours présent dans notre pays. Nous l’observons chaque fois que des femmes et des hommes se mobilisent ensemble pour combattre l’injustice. Dans les luttes sociales pour sauver les emplois industriels menacés ou pour défendre un service public de qualité accessible à toute personne. Dans les actions écologistes contre l’accaparement de l’eau par les méga-bassines ou pour la préservation de la biodiversité. A travers les démarches collectives des travailleurs handicapés en ESAT pour leur accès au droit du travail. Ou à travers les initiatives citoyennes pour l’accès de toute personne au logement, contre les violences faites aux femmes, pour la dignité des migrants. Dans l’évangile de Marc 2, 1-12, les amis du paralytique n’hésitent pas à démonter le toit de la maison de Capharnaüm pour lui permettre de rencontrer Jésus. Ils résistent, eux aussi, aux préjugés et à la dureté de leur époque.
Nous observons l’émergence d’un profond désir de coopération entre les personnes et les collectifs, dans les quartiers, les villages, au cœur du tissu associatif ou culturel. Des lieux comme la Maison de la Nature et de l’Environnement, à Puydarieux, dans les Hautes-Pyrénées, ou le café Dorothy à Paris, dans le quartier populaire de Ménilmontant, illustrent ce dynamisme. Des personnes prennent le temps de s’y rencontrer, de réfléchir ensemble, de tisser des relations, de bâtir des petits projets communs et de vivre une convivialité en toute simplicité. C’est cette démarche qui se vit aussi dans des mouvements comme l’Action catholique ouvrière, à travers la vie d’équipe, les partages élargis, les cinés-débats. Ou le simple fait d’aller à la rencontre de travailleurs en grève devant leur entreprise, pour leur apporter écoute et soutien. Ces formes d’engagement collectif permettent de créer un réel maillage citoyen de proximité. Elles redonnent toutes ses lettres de noblesse à la fraternité, l’une de nos trois valeurs républicaines. Et elles nourrissent l’espoir d’un avenir meilleur, même si les vents de l’Histoire nous semblent défavorables.
A l’aube de l’année 2025, nous pouvons nous souhaiter mutuellement de cultiver l’esprit de résistance et le goût de la coopération locale. Notre double fidélité au Christ et au monde ouvrier nous donne de la force pour avancer ensemble. Comme nous y invite la liturgie chrétienne, « nous refusons de croire que l’être humain n’est qu’un fétu de paille balloté par les courants de la vie ». Rappelons-nous aussi ce message délivré par une autre grande figure de la Résistance, Madeleine Riffaud : « Résister, c’est aimer les gens ».
Jean-François Courtille
*L’Armée des ombres : grand roman de Joseph Kessel sur la Résistance.
Réfléchir ensemble
De quels actes de résistance et de quelles initiatives de coopération locale suis-je témoin ? En quoi suis-je concerné ?
Quels fruits produisent ces actes et ces initiatives, dans mon quartier, mon village, au travail, dans mes activités de loisirs ? Comment nourrissent-ils mon espérance et celle des autres personnes ?
Quelles pistes semblent possibles pour développer, avec d’autres, ces actes de résistance et cette coopération locale ?